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Tunng, pop funèbre

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Temps de lecture : 3 min

Et de trois, fin de la série en trois épisodes ! Après Mike Lindsay dans LUMP avec Laura Marling, après Mike Lindsay dans Outsider avec Philippe Cohen Solal, voici un troisième article à propos cette fois de son groupe d’origine, fondé en 2003 : Tunng.

Pourquoi ? Tout simplement car leur dernier album « Tunng presents … DEAD CLUB » nous accompagne depuis sa sortie en novembre 2020 sur le label Full Time Hobby. Ce disque signait un retour au premier plan pour ce sextet londonien dont Mike Lindsay est le co-fondateur, guitariste, chanteur et aussi le compositeur principal. L’autre membre essentiel est Sam Genders qui est le parolier du groupe.
Les autres membres sont Ashley Bates (chant/guitare), Phil Winter (basse, claviers), Becky Jacobs au chant et Martin Smith (batterie).

La mort

« Tunng presents … DEAD CLUB » est un concept album en forme de conversations autour de la mort. Ce projet est né bien avant la crise sanitaire. Le déclic date de 2018, c’est le roman La Douleur porte un costume de plumes de l’écrivain anglais Max Porter dont le thème principal est le deuil. Sam Genders l’a trouvé puissant et l’a fait passer aux autres membres du groupes qui y ont adhéré. Le groupe a directement collaboré avec Max Porter, ce qui a donné naissance à deux titres.

Sam Genders a aussi effectué des recherches sur les thèmes liés à la mort. Avec Becky Jacobs, il produit même une série de podcasts où l’on retrouve Max Porter, le philosophe Alain De Botton, une médecin en soins palliatifs, une anthropologue médico-légal et d’autres encore…

Il s’est aussi rendu dans un “Death Café” à Sheffield. C’est un lieu de rencontre et de discussion pour malades en phase terminale ou personnes récemment endeuillées. Rien de morbide dans tout ça, juste un intérêt philosophique sur des questions existentielles difficiles, voire tabou.
C’est le thème développé dans la chanson Death is the new sex. Le sexe n’est plus tabou dans notre société mais la mort, la fin de vie le sont toujours.

Sur le titre A million colours, on peut entendre le témoignage d’Ibrahim Ag Alhabib du groupe Tinariwen. Ce dernier évoque les traditions qui entourent la mort chez les Touaregs du Nord-Mali.

Autre thème surprenant : le « Swedish Death Cleaning » soit le « Nettoyage Suédois de la mort » qui donne son titre au morceau SDC.
Ce concept est dû à l’auteure suédoise Margareta Magnusson qui préconise de se débarrasser de ce qui n’est pas nécessaire et de garder sa maison rangée et encombrée au minimum au fur et à mesure que l’on vieillit. L’idée est de se faciliter la vie ainsi que celle des proches qui auront la charge de trier vos affaires une fois que vous serez mort…

On trouve aussi sur le titre Eating your dead des références au peuple Wari d’Amazonie brésilienne, qui mange ses morts.

Alors dit comme ça, ce n’est pas très engageant mais écoutez Scared to death dont voici le clip et vous serez convaincus :

En effet les compositions ne sont pas uniformément sombres ou mélancoliques. Beaucoup de lumière, de beauté et d’émotions s’en dégagent (à l’image du morceau Tsunami avec Becky Jacobs au chant). On trouve toujours le goût et le don de Mike Lindsay pour les mélodies pop, et ce qui fait la signature de Tunng, à savoir les textures électroniques discrètes. On remarque aussi une présence plus importante du piano par rapport aux albums précédents.

La naissance

Pour prolonger le plaisir, on peut justement se replonger dans la discographie passée de Tunng.

2005 : leur premier album This is Tunng n’est pas encore totalement abouti. Mais il a le mérite d’être expérimental et de poser les bases du groupe : un mélange de pop, de folk organique (avec la guitare sèche et les voix au centre) et de textures électroniques. Voici le titre Tales from black :

En 2006 sort leur deuxième album Comments of the inner chorus, très réussi. Les voix masculines, féminines, les cordes (guitare acoustique, violoncelle, harpe…), les nappes de synthé, les textures triturées, les bruits, les sonorités futuristes, les boucles, se mélangent, pour donner à l’ensemble une beauté étrange, décalée.
Des mélodies émouvantes émergent comme dans Jenny again, Sweet William ou Woodcat dont voici le clip.

Le titre final Engine Room est très représentatif de la créativité du groupe et de ce courant parfois appelé folk-tronica, novateur à l’époque.

Le 3ème album s’intitule Arrows (2007). Le single plus pop Bullets rencontre un certain succès.

Le groupe élargit alors son audience et poursuit en sortant des albums à intervalles plus espacés. Sam Genders a quitté l’aventure.

And then we saw land sort en 2010, dans la lignée du précédent, plus pop, moins expérimental avec l’apparition de guitares électriques sur plusieurs chansons comme sur Don’t look down or back. Très bon album encore.

Je passe sur Turbines (2013). Pas leur meilleur disque. Pour le 6ème album Songs you make at night (2018), on retrouve le line-up original  avec le retour de Sam Genders. Le groupe se renouvelle en optant pour un registre plus synth pop avec moult nappes de claviers 80’s. A vous de vous faire une idée, c’est un peu boursouflé, mais heureusement on y trouve de belles ballades folks plus épurées comme Crow ou Battlefront.

Le superbe Dead club sorti l’an dernier est d’autant plus une surprise. Pas si étonnant au final, pour un groupe qui a toujours continué à chercher de nouvelles idées, à prendre des risques. Le choix d’un sujet a priori difficile, nourri de rencontres au-delà de l’univers musical leur a permis en tout cas de signer un retour au premier plan dans nos oreilles.

Photo de couverture : Agnès Lortho

Jérome Pifunk
Chroniqueur : Sunday Morning, Playlists du lundi, et Le Sac à Samples ! Mon petit kif, vous préparer des thèmes pour les Soundclashs sur notre page Facebook tous les mercredis à 11h !
Co-animateur radio sur Raje (et j’adore faire des conducteurs d’émission sur Excel !)

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