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SAULT, le poing levé

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Temps de lecture : 3 min

Un poing levé, noir sur fond noir. Fidèle à son esthétique et sa communication minimalistes, Sault est venu nous surprendre. La photo est publiée le 18 juin sur les réseaux sociaux, des extraits de 18 titres sont postés sur Insta ! Et le lendemain surgit un double album . Une heure : 20 pistes.

Sault- Untiltled (officiel)

On rappelle brièvement qui se cache derrière Sault (pour plus de détails, notre premier article ici) : les chanteuses Cleo Sol et Kid Sister, le producteur Inflo, le tout sur son propre label Forever livings original.

Après les deux albums intitulés 5 et 7 sortis en six mois en 2019, ce groupe toujours aussi secret frappe fort à nouveau. Le plus incroyable est que cette sortie intervient moins de trois mois après celle de l’album solo de Cleo produit par Inflo. Toujours impossible de trouver la moindre interview, le moindre dossier de presse, c’est sûr ils ne perdent pas de temps en com en tout cas !

Ce disque est clairement plus engagé que les précédents. Le thème principal et quasi-exclusif est le racisme, et son corollaire la lutte contre le racisme. On sent le tout sous-tendu par une urgence de s’exprimer, une nécessité d’être direct dans les textes. On ne peut que faire des suppositions, mais il se peut qu’une grande partie ait été écrite en moins d’un mois après la mort de Georges Floyd (le 25 mai dernier). Le groupe a publié ce court texte sur Instagram pour accompagner la sortie du disque :

« We present our first ‘Untitled’ album to mark a moment in time where we as Black People, and of Black Origin are fighting for our lives. RIP George Floyd and all those who have suffered from police brutality and systemic racism. Change is happening…We are focused.« 

Black is …

L’album est sans titre mais sous-titré « Black is ». On est en présence d’un concept album dans la grande tradition des 70’s avec une large palette d’influences musicales : soul, funk, RnB, hip hop, blues, gospel et rock psyché. Je vous propose de partir à la découverte de ce grand disque (écoute intégrale sur Bandcamp). A noter que les profits seront reversés à des œuvres caritatives.

Il s’ouvre sur des voix qui clament « Out the lies, the revolution has come », enchaînant sur un doux spoken word de Kid Sister (enfin je crois reconnaître sa voix !). On va la retrouver en fil conducteur, en intermèdes entre les titres.

Ensuite le style reconnaissable du groupe : groove, voix et guitare saturées sur un beat hip hop bien lourd pour un titre énergique, puissant, direct et clair : « Stop dem ». Enorme.

Suit « Hard life », soul mélancolique portée par la superbe voix de Cleo Sol, sur un beat hip hop. La mélodie est entrecoupée d’envolées déchirantes, de chœurs masculins, avec une fin gospel bluesy ; ça démarre très fort.

« Don’t shoot, guns down » autre titre très explicite, court, répétitif, obsédant où des voix féminines s’entremêlent sur fond de sirènes de police (« Racist policeman, don’t shoot innocent people »).

Groove up-tempo, grosse basse en avant, hand-clapping. Une prod en mode Motown des temps modernes avec Cleo Sol au chant sur « Wildfires ». Contraste saisissant entre la musique et le chant pour un résultat touchant.

« Sorry ain’t enough » : un des titres les plus émouvants du disque. La magie des voix, la tristesse qui s’exprime dans une prod encore impeccable et inventive. Ca part en RnB minimaliste, une ligne de basse, un synthé, et ça finit en soul, à la Marvin Gaye. La voix masculine encore plus présente que dans les albums précédents est sans doute celle d’Inflo lui-même.

Collaborations

On sait qu’Inflo a collaboré avec Michael Kiwanuka depuis son deuxième album Love and hate. Eh bien ce dernier est présent ici sur le titre « Bow », afro-groove, aux sonorités psyché 70’s, avec des paroles en hommage à l’Afrique.

La chanson se prolonge avec un spoken world court mais fort de Laurette Josiah. Alors, hypothèse encore, Inflo s’appelant Dean Josiah, on peut penser à un lien de parenté avec Laurette Josiah mais peu importe. D’après mes recherches, c’est surtout la fondatrice d’une association de quartier du Nord de Londres qui propose la pratique des percussions, de la danse et du chant à des enfants dans le but de développer leur confiance en eux en participant à des spectacles publics, des concours. Je vous le donne en mille, une des profs de chant n’est autre que … Cleo Sol : beau renvoi d’ascenseur car elle aussi a suivi ce type de formation dans son enfance (retrouvez l’article complet à son sujet ici).

« Black » : l’instru la plus hip hop pour Inflo (?) qui martèle : « Black, I’m black ». Encore une fois le sens de la rupture avec le refrain soul et suave chanté par Cleo sur fond de guitare acoustique. Un solo de guitare électrique venant relever le tout.

« Eternal life » : là encore la voix d’Inflo (?) accompagne celle de Cleo dans une sorte de gospel soul futuriste, prolongé par un court instru du même style.

« Monsters » : excellent morceau, encore, le plus pop de l’album sans doute. Un orgue, une basse, un groove imparable.

Espoir ?

La fin de l’album adopte une tonalité plus optimiste ou en tout cas on sent une volonté d’espérer, d’y croire. Comme dans « Miracles » : la production est inventive là encore. Très hip hop dans le style, sample doo wop en intro, chœurs soul vintage, texte slammé par Kid Sister (enfin je crois !), chant de Cleo Sol, envolées vocales psyché.

Puis un peu d’amour avec « Hold me » : des chœurs légèrement auto-tunés, pour une chanson plus douce, éthérée.

L’album se conclut par « Pray up stay up » une note plus positive, une sorte de comptine gospel, une voix enfantine sur un gimmick de piano.

Donc vous l’avez compris, c’est la confirmation totale du talent de cette petite bande, qui en moins d’un an a produit des heures de musique parmi ce qui se fait de mieux, de plus intéressant actuellement. Le tout en développant son propre style, à l’écart des modes, en restant 100% indépendant.
Cet album en particulier peut s’écouter comme la bande-son nécessaire, idéale, d’une époque qui elle, est encore très loin de l’être.

Photo de couverture : Agnès Lortho

Jérome Pifunk
Chroniqueur : Sunday Morning, Playlists du lundi, et Le Sac à Samples ! Mon petit kif, vous préparer des thèmes pour les Soundclashs sur notre page Facebook tous les mercredis à 11h !
Co-animateur radio sur Raje (et j’adore faire des conducteurs d’émission sur Excel !)

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