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Interview Forever Pavot

Interview : La bande son imaginaire de Forever Pavot

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Temps de lecture : 4 min

Expérimentateur, collectionneur, bruitiste… Émile Sornin alias Foverer Pavot nous emmène sur son terrain de jeu favori, l’orchestration d’une bande son d’un film imaginaire où se croisent des instruments oubliés, rares, farfelus. De son enfance nourrie aux beats boom bap, aux B.O de films de Claude Sautet et autres chefs-d’oeuvre musicaux du cinéma italien, Forever Pavot aiguise ses arrangements pour créer des formes hybrides plus contemporaines, mêlant chanson et pop rock. Sur son dernier album L’Idiophone, il fait voyager notre esprit dans des paysages fantasques, de films noirs et dramatiques, ou encore dans des scènes érotico-romantiques des années 70.

Pour les Sacassonneurs qui ne vous connaissent pas encore, c’est quoi le projet Forever Pavot ?

C’est de la musique influencée par la musique de film dans un premier temps que j’essaie de mixer avec quelque chose de plus contemporain, avec un côté un peu chanson aussi. Disons que c’est comme une bande son d’un film imaginaire que j’ai écrit. C’est mon projet solo, dans l’écriture et dans l’enregistrement, et je m’entoure de musiciens avec qui je travaille depuis une dizaine d’années et avec lesquels je tourne.

Justement, tu travailles beaucoup seul, en compo, enregistrement et prod. Mais en live, par contre, vous êtes 5 sur scène. Qu’est-ce que ça amène à ton projet ?

Je pense qu’il y a un côté plus rock en live. Et puis, il y a un truc un peu collégial entre nous parce qu’on se connaît depuis une dizaine d’années. C’est vraiment mes meilleurs potes. Donc il y a un côté presque ludique sur scène parce qu’on s’amuse beaucoup les uns avec les autres. On essaie de se rapprocher des compositions, bien évidemment, mais chaque musicien apporte un peu son petit grain de folie.

C’est un projet dans lequel il y a beaucoup de couches musicales qu’on ne peut pas forcément reproduire sur scène, donc on réarrange ensemble les morceaux. Je suis avec des musiciens extrêmement talentueux.

Forever Pavot – Dans la voiture – live de février 2023

Tu parles volontiers de comment tu es arrivé à cette typologie complexe de musique. Entre ta famille, et l’écoute de hip hop, les beats qui t’ont intéressés. Est- ce que tu en écoutes toujours aujourd’hui ? Comme Ugly McBear notamment qui a aussi un aspect très cinématographique dans son travail… 

Oui je le connais, après je n’écoute pas tellement de trucs en France, plutôt U.S. C’est un courant musical qui m’a toujours intrigué. C’est assez fascinant la manière dont cette musique vit en recyclant tous les styles. En plus, c’est un peu le nouveau rock d’aujourd’hui. En tout cas, pour les jeunes, il y a un truc de DIY aussi. Je trouve que c’est un style qui est assez simple à faire (dans le sens où tu as besoin d’un ordi, d’un micro…), sans dénigrer bien sur ! J’aime bien tout ce côté- là.

J’aime bien le collectif américain Griselda qui rejoint un peu dans l’esprit du Wu Tang et le hip hop des années 90. The Alchemist, qui est un producteur et toujours assez prolifique. Madlib aussi que je suis de loin. Ça reste des trucs que j’écoute régulièrement, mais dans des nouveautés, pas tant, à part Benjamin Epps en France parce qu’il renoue aussi avec cet esprit Boom Bap et la scène de new Yorkaise.

J’ai lu dans une interview aussi que le métronome sur la pochette du dernier album Idiophone, c’était l’idiophone « caché » de la pochette. Est- ce que pour toi, tout peut être instrument ? 

Non, je ne pense pas que tout puisse être instrument. En tout cas, les idiophones me plaisent parce que c’est ma manière d’aborder les instruments. J’ai une formation rythmique et je joue tous les instruments que j’ai appris de cette manière. Je n’ai aucune notion de solfège, plutôt une notion harmonique qui vient de mon feeling et de ce que j’ai pu apprendre en jouant avec d’autres personnes. J’ai une manière un peu bruitiste de faire de la musique. C’est pour ça que j’ai commencé par la batterie étant jeune, puis je me suis mis au piano plus tard, qui est aussi une percussion. Après, je ne fais pas de la musique concrète: j’enregistre des bruitages pour faire de la musique. Même si j’aime la mélodie, la pop et les arrangements, l’orchestration…

Pour rebondir sur les instruments, c’est quoi le plus dingue des instruments que tu aies rencontré dans ton aventure Le Bon Coin Forever (2016) ?

Il y a un mec qui avait fabriqué une guitare à trois manches et ça, c’était assez étonnant et fait maison. Je crois que c’est le truc le plus fou sur lequel j’ai pu jouer, en tout cas dans cette aventure.

Après, le moment où ça a été le plus émouvant pour moi, c’est quand j’ai joué sur une épinette qui a un petit klaxon. C’était un instrument sur lequel je fantasmais depuis des années. On était arrivé chez un collectionneur d’une cinquantaine de violons qu’il avait fabriqués. Quand on est allé découvrir sa collection, je me retourne et je vois au milieu de la pièce une épinette. Et j’ai passé plus de temps à jouer sur cet instrument qui n’était pas prévu. Puis, suite à ça, je m’en suis acheté une. Ça, pour moi, ça a été le truc le plus significatif.

Après, il y a des instruments assez rares sur lesquels j’ai pu jouer. La boîte à rythmes Roland CR78 par exemple. Elle coûte tellement cher que je n’aurais jamais eu l’occasion de jouer dessus. Les synthés modulaires aussi ! c’est toujours un peu impressionnant, les murs de boutons et de câbles…

Forever Pavot – Pistolet chargé de l’album Le Bon Coin Forever – 2016 sur Born Bad Records

Pour les curieux, voici le lien vers le documentaire relatant de cette expérience en cliquant ici !

Tu penses à des films en particulier quand tu composes ? 

Je ne pense pas à des films en particulier. Avant tout, je pense à la musique et ensuite, les images viennent un peu quand je dois écrire des textes ou des noms de morceaux. Je ne saurais même pas t’expliquer pourquoi ! Par exemple, Les enjambées, je trouvais ça poétique et ça allait bien avec le morceau, mais je n’ai pas vraiment d’explication.

Forever Pavot – Les enjambées – Album L’Idiophone sorti en février 2023 chez Born Bad Records

Tu as été réalisateur de clip et tu as signé dernièrement la B.O de Simple comme Sylvain de Monia Chokri. Ça ne t’amènerait pas à réaliser ton propre film avec ta B.O comme ça un jour ?

On me pose souvent la question. Ma première formation, j’étais monteur image. Ensuite, j’ai fait de la réalisation pendant cinq / six ans. Le dernier truc que j’ai fait c’était il y a six ou sept ans. Je me suis un peu éloigné de tout ce côté image, mais j’ai toujours dans un petit coin de ma tête le fantasme de faire de la fiction… Pour l’instant, ce n’est pas du tout d’actualité. Plutôt quand j’aurai quelque chose à raconter oui.

Des projets à venir ?

Je sors un disque de rap justement en février avec un rappeur de Los Angeles qui s’appelle XP The Marxsman. C’est un rappeur qui m’a samplé il y a quelques années. Je suis rentré en contact avec lui et je lui ai proposé de faire un disque. J’y fais des instrus qui sont assez Boom Bap, mais ce n’est pas un disque que je vais défendre en live. Et sinon, j’ai des projets de musique de film.

Quel est le dernier film qui t’a plu musicalement ?

J’ai vu le dernier Wim Wenders ce matin que j’ai trouvé super beau. Mais ce n’est pas de la musique originale. Mais en film avec une musique originale c’est Conann de Bertrand Mandico. La B.O a été réalisée par un copain à moi qui s’appelle Pierre Desprats. Très morriconnienne, très chouette.

Des contemporains musicaux ou des projets qui ont retenu récemment ton attention ?

Il y a un groupe que j’ai beaucoup écouté ces dernières semaines, les québécois de Yocto, leur album est très bon. Sinon Charif Megarbane qui a sorti un album chez Habibi funk et qui fait notre première partie à la maroquinerie en janvier. C’est un copain franco-libanais qui fait de la musique géniale.

Yocto – Orbital Alcatraz sur l’album Zepta Supernova sorti en 2023 sur les labels Duprince / Requiem pour un twister

FOREVER PAVOT sur les réseaux : site du label Born Bad Records, Bandcamp, Youtube, Spotify, Facebook, Instagram, Deezer

Ecrit par :

Roxane Puthontheredlight / J’aime chiner les pépites dans les 1ères parties et les petits festivals underground. Toujours au taquet sur le dancefloor, on me trouve la plupart du temps devant la scène.
Chroniqueuse de charme pour les Sunday Morning et les lives reports.

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