Interview Hyperculte : de la baston sonore à la lutte créative
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Temps de lecture : 3 min
Une décennie que Simone et Vincent marquent avec une sortie d’album, La Pangée. Hyperculte s’arme de guitare frappée, de batterie, de contrebasse et de leur voix comme instrument. Des textes qui interrogent le monde sur des questions essentielles comme le vivre-ensemble. Un constat plutôt grinçant, qui dérange, qui secoue, sans leçon. Au-delà de l’expérimentation comme credo musical et les formes qu’elle dessine, on a voulu en savoir plus sur ce duo emblématique genevois. Merci au Delco Festival et à Paloma d’avoir permis cette rencontre !
Votre duo s’est formé il y a 10 ans. Comment vous êtes vous rencontrés et avez construit le projet Hyperculte ?
Vincent : On traînait dans les mêmes lieux alternatifs de la ville de Genève. Que ce soit l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp ou Massicot, c’est un peu la même famille. J’avais aussi un projet solo à l’époque et on m’avait proposé de faire la première partie de The Ex à la Cave 12. Je n’avais pas envie d’y jouer seul et j’ai branché Simone 4 jours avant pour la date. Ça s’est fait sur le tas avec un mini set de 20 minutes, et ça a bien marché !
Le label Bongo Joe n’existait pas encore, seulement le magasin, et c’est d’ailleurs pour les 1 an du magasin qu’on a joué pour la première fois sous le nom d’Hyperculte. J’ai participé au montage du label sur les 2/3 premières années. Du coup, c’était un peu logique qu’on sorte un disque chez eux.
Votre esthétique est très reconnaissable d’un album à l’autre, une signature Hyperculte. Est-ce que vous avez envie d’ouvrir sur une autre forme à un moment ?
Vincent : C’est un peu un débat entre nous justement, parce que la forme est réduite. Entre contrebasse, guitare frappée et batterie… qu’est-ce qu’on fait après ? On vient de sortir La Pangée il y a quelques mois donc on va défendre ce projet, mais c’est effectivement dans nos questionnements. Comment se renouveler, se développer…
Pour cet album, niveau texte, j’ai entendu dans une interview que Vincent, tu es devenu très pessimiste, et que toi Simone, tu l’étais déjà ! Vos lectures nourrissent vos textes. Vous lisez quoi en ce moment ?
Simone : Je n’y arrive pas, je n’ai pas le temps. Ça demande une concentration, c’est une action de lire qui demande une pleine conscience. Quand j’ai du temps je suis tellement HS que mes livres s’empilent.
Vincent : Le titre À l’arrache est tiré du livre éponyme de Sebastien Escande, sur les lieux alternatifs et underground lyonnais des années 80 à aujourd’hui, le punk quoi ! Il y a un texte qui parle du Boulon à Lyon et j’ai repris quelques phrases.
Sinon, je viens de finir un bouquin qui s’appelle Parasites du sociologue Nicolas Framont. Il part du postulat que les parasites sont plutôt les riches et les classes bourgeoises qui se nourrissent du travail de tout le monde. Il dénonce pas mal de scandales, politico-financiers. Et sinon en ce moment, je lis une espèce de polar Mamie Luger de Benoît Philippon, sur une mamie de 100 ans qui canarde des flics !
C’est quoi d’être un artiste activiste en Suisse ?
Simone : Il se passe beaucoup de choses. L’engagement contre un capital n’est pas lié à un gouvernement, mais à une économie. Et la Suisse est économiquement le pays le plus libéral de la Terre donc forcément là où il y a beaucoup de tunes, il y a un contre-courant très fort. Et le cadre alternatif qu’on a à Genève, je n’ai jamais revu ça en Europe tellement la contre-culture est forte.
Vincent : Dans les années 90 à Genève, il y a avait une centaine de squats ! En France, dont je suis originaire, je vois que la culture squat n’existe quasiment plus, dû à la grosse pression immobilière tout simplement.
Simone : Au gouvernement, nous sommes tous représentés (vert, gauche, droite), et il y a un système de démocratie directe, avec beaucoup de votes citoyens réguliers, de référendums… Les votes vont du paysan qui ne trouvait pas cool de couper les cornes de ses vaches au projet de 5 milliards pour des nouvelles autoroutes. On nous demande notre avis sur tout.
Et des artistes qui représentent une forme d’activisme comme vous pouvez le faire à travers vos textes…
Vincent : Justement, un de mes amis n’aime pas du tout le fait qu’on revendique des choses dans notre musique. Il a l’impression que je lui donne des leçons. Il préférerait entendre des choses plus personnelles, sur moi. Mais ce n’est pas ce qu’on a envie de défendre. Je n’ai pas de côté poétique, je ne suis pas Léo Ferré, même si nos textes paraissent plus poétiques qu’avant. C’est notre moyen de faire face.
Simone : Même s’il y a ce côté revendicatif dans nos textes, une manière d’être en lutte, on ne donne pas de leçon, on déteste ça. C’est quoi faire société ? Le vivre-ensemble ? C’est mon inquiétude plutôt que de savoir comment moi je me sens. Ça me paraît primordial et central. Tout le monde s’en fout de moi, de mes états d’âme et inversement.
Il y a des groupes dont vous vous sentez proches ?
Vincent : Orchestra of Spheres par exemple, le groupe néo-zélandais qui a organisé toute notre tournée là-bas il y a quelques semaines. The Ex aussi, c’est un groupe qui a changé ma vie. Après, il y a tellement de projets qui me plaisent, j’ai dépassé le stade d’être fan d’un truc.
Simone : Moi je me balade plus du côté art sonore et installations, qui sont en pleine explosion. Avec un son comme matériau plus que le propos chanson.
Ce qui se retrouve d’ailleurs beaucoup dans votre travail d’ailleurs ! L’expérimentation dans la matière sonore…
Vincent : Le format chanson, on peut dire que c’est moi qui l’amène oui.
Simone : Oui puis moi je suis pas trop là-dedans. Avec Massicot ou encore Jmenfous, on est dans des trucs plus noise. Jmenfous, c’est le 1er groupe que j’ai fait à la batterie sur un label hyper important en France qui représentait plus de 100 groupes à l’époque (Et mon cul c’est du tofu ?). Un label de la contre-culture en pure et due forme. Tout le réseau avec lequel j’ai tourné avant de rencontrer Vincent.
Et justement, vous jouez ce soir dans une Scène de Musiques Actuelles, c’est un format qui vous convient ?
Vincent : Moi, j’aime jouer partout. On a la chance de pouvoir jouer dans plein d’endroits différents, que ce soit dans les SMAC ou dans les squats. Que de l’un ou de l’autre, ça serait super déprimant !
Simone : Je privilégie à mort le format autonome, avec un engagement des gens. Remplir des lieux pour remplir des cases pour la Mairie, ça ne m’intéresse pas. Venant des Beaux-Arts, c’est d’ailleurs dans ces endroits alternatifs où il se passe le plus de choses, les plus créatives et intéressantes. J’organise justement un festival (Baz’Art) dont l’enjeu est de prendre l’espace public, avec des formes hybrides, de l’expérimentation, qui nourrissent l’imaginaire, qui nous questionnent.
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Ecrit par :
Roxane Puthontheredlight / J’aime chiner les pépites dans les 1ères parties et les petits festivals underground. Toujours au taquet sur le dancefloor, on me trouve la plupart du temps devant la scène.
Chroniqueuse de charme pour les Sunday Morning et les lives reports.