Farai, révoltée
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Temps de lecture : 3 min
La seule ligne éditoriale du Sac à Son, c’est le plaisir, la liberté, l’envie de partager, de faire découvrir ! Que ce soit d’actualité ou non.
Alors aujourd’hui, on va partir du côté d’une artiste découverte fin 2018.
La claque a été telle qu’on ne s’en est toujours pas remis.
Farai est présente dans nos playlists, nos publications et nos émissions de radio. Il manquait un Sunday Morning pour faire plus ample connaissance avec cette forte personnalité.
Farai est une chanteuse, née au Zimbabwe, qui a grandi à Londres (quartier South East). Mais Farai se présente souvent comme un duo, l’autre membre étant le producteur Tony Harewood a.k.a. Tone, aux origines métissées guyanaises et galloises.
La claque
En novembre 2018 leur premier album Rebirth sort sur l’excellent label orienté Hip hop Big Dada (Kate Tempest, Roots Manuva et Young Fathers).
Farai pose son flow de poétesse, entre slam, chant et cris sur une production minimaliste. Une production à base de batterie, boîtes à rythmes et claviers vintage. La puissance dégagée est inversement proportionnelle aux moyens employés. On peut parler de post-wave pour décrire ce mélange de beats hip hop, d’électro et de new wave bien british. En tout cas l’esprit est clairement punk, les textes sont ironiques, acides, révoltés.
L’album s’ouvre sur le titre Lizzy où elle interpelle la Reine qu’elle appelle successivement Lazy/Lizzy/Elizabeth. Le ton irrévérencieux est donné.
Ensuite Punk Champagne fait référence à un cocktail maison de Tone, un mélange de cidre et de Buckfast, un vin rouge caféiné (15°). Dans le morceau Farai sirote ce breuvage de « pauvres » en raillant les problèmes des « poor rich girls » et « poor rich boys ».
Sur This Is England on peut entendre : «Theresa May, sais-tu ce que ça fait de compter les jours et les heures jusqu’au jour de paie ?». C’est le titre le plus virulent, le plus engagé socialement, politiquement.
Voici le clip réalisé par Tone, tourné dans South London, au milieu d’un complexe résidentiel qui, selon lui, illustre bien “ces résidences publiques décrépies qui tombent en ruines dans l’ombre d’habitations privées qui valent des millions (ou des milliards) de livres”.
Sur Secret Gardens, c’est le trafic de drogue dans les cités qui est abordé métaphoriquement.
Un des titres les plus puissants de l’album est National Gangsters où il est question de l’hypocrisie quant à la consommation de drogue dans les milieux les plus aisés, comme chez les banquiers et financiers de la City.
Tellement fort que l’enregistrement dans le Home Studio lo-fi de Tone a dû être bouclé en deux prises juste avant que les voisins ne viennent se plaindre du niveau sonore.
Petit flash-back
En 2012 après un burn-out, Farai entame une thérapie musicale. Elle commence à écrire de la poésie, influencée entre autres par Gil Scot-Heron et à composer de la musique, sous le pseudonyme Farai Bukowski-Bouquet.
Elle retrouve son équilibre grâce à la création et déclare : » L’art est l’arme de la liberté. Soyez vous, soyez libre, créez, créez, changez le monde« . On comprend mieux le titre de l’album Rebirth.
Sa rencontre avec Tone donne lieu à un premier EP, Kisswell, sorti par le collectif NON Worldwide en 2017. Les ingrédients étaient déjà bien présents sur ces 3 titres. Notamment sur Lion Warrior, où elle clame « I am global, not local » et aussi « I’m a warrior » !
Tone est l’auteur d’un album solo Mixx 1 en 2018 (allez y jeter une oreille), pour vous donner une idée le clip Can’t imagine :
Punk sans frontière
Farai réussit la prouesse de produire un son lourd, pour poser des paroles lourdes de sens. Alors c’est vrai, ce n’est peut-être pas une musique facile d’accès au premier abord, ça heurte, ça bouscule. Mais n’hésitez pas à partir à la découverte de cet album assez inclassable. Vous y trouverez des titres qui frappent comme des évidences et se révèlent hautement addictifs, voire même taillés pour le dance-floor pour les DJ les plus audacieux.
Dans le fond, ça correspond à ce qu’on trouve dans le rock chez Idles ou dans le hip hop chez Sleaford Mods. La même énergie, la même force, à la fois très anglais et complètement universel dans les textes et la musique. On peut penser aussi au collectif sud-africain BCUC dans un même état d’esprit, souvent qualifié d’afro-punk pour les fans d’étiquettes.
Pour finir de vous convaincre, vous pouvez regarder un petit quart d’heure de live au studio, brut de décoffrage :
Si comme nous, vous cultivez la musique sans frontière, celle de Farai devrait vous apporter son lot d’émotions fortes.
Photo de couverture : Agnès Lortho
Jérome Pifunk
Chroniqueur : Sunday Morning, Playlists du lundi, et Le Sac à Samples ! Mon petit kif, vous préparer des thèmes pour les Soundclashs sur notre page Facebook tous les mercredis à 11h !
Co-animateur radio sur Raje (et j’adore faire des conducteurs d’émission sur Excel !)
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