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Emily Wells, électrochoc

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Temps de lecture : 3 min

Secoué, touché, ému par la musique d’Emily Wells dans son dernier album, Regards to the End, sorti le 25 Février 2022 sur Thesis & Instinct (son propre label). Emily est chanteuse, compositrice, multi-instrumentiste (violoniste de formation) et vidéaste. Son univers est riche, du folk, du rap à ses débuts, et toujours un mélange de sonorités électro et organiques (voix, cordes, vents, percussions). Le tout pour porter des textes forts.

Crédit : Rachel Stern

Regards to the end

Dans ce disque, la voix est centrale, ou plutôt les voix qui sont entremêlées et accompagnées de batterie, de piano, de cordes (violon, violoncelle, basse) et d’instruments à vent (clarinette, flûte, cor). Emily s’occupe de tout ou presque, on peut noter la présence de Ian Chang (Son Lux) aux percussions sur « Two Dogs Tethered Inside ».

Son chant a des intonations qui font parfois penser à Kate Bush comme sur le magnifique « Come on Kiki ».

Cette chanson qui évoque la sculptrice Kiki Smith est l’occasion d’expliquer le point de départ de cet album.

Emily s’est inspirée des vies et des œuvres d’artistes et d’activistes, liés à la crise du sida comme Kiki Smith donc, Felix Gonzalez-Torres (1957-1996), Jenny Holzer et David Wojnarowicz (1954-1992), écrivain et activiste acharné de la lutte contre le sida.

C’est ce dernier qui a inspiré la touchante ballade David’s got a problem, le titre le plus épuré, piano, voix, quelques notes de violon, sublime.

Le titre Arnie and Bill to the rescue évoque le couple de chorégraphes et danseurs Bill T. Jones et Arnie Zane mort du Sida en 1988.

La pochette de l’album est une photo d’Alvin Baltrop (1948-2004), qui a photographié les jetées délabrées du West Side à Manhattan, un quartier de rencontres gays dans les années 70 et 80.

Le choix de ce thème peut surprendre pour un album composé en 2020-2021. Emily y voit au contraire une résonance avec la crise climatique actuelle. Le retard dans la prise de conscience, l’inaction des gouvernements… Dans le titre The dress rehearsal, elle présente la crise sanitaire liée au Covid comme une répétition générale d’autres crises à venir si on n’agit pas radicalement. Elle s’est donc aussi intéressée aux activistes climatiques.

Cela a donné naissance à Love Saves the Day écrite pour David Buckel, un avocat défenseur de l’environnement qui s’est suicidé en 2018 en s’immolant par le feu à Brooklyn pour alerter sur l’urgence climatique. Chanson poignante, une des plus belles du disque, clarinettes et cordes sur une boîte à rythmes au tempo qui s’accélère.

Vous l’aurez compris, les thèmes ne sont pas légers. C’est courageux de s’y confronter. La réussite est de traduire cela en musique sans lourdeur mais avec profondeur et gravité. Ce disque est beau et inspiré, à écouter de bout en bout.

Live

Et cerise sur le gâteau, on a eu la chance immense de voir Emily Wells en live en première partie de Son Lux, dans une magnifique salle à Boston. Un set court et intense de 30 minutes sur fond de projection de vidéos de danse pour la plupart. Emily joue des claviers, du violon, des percussions, utilise des boucles pour sa voix ou des instruments. Le tout avec fluidité. Son chant est superbe, touchant. Une très belle énergie pour un moment qu’on aurait aimé prolonger ! Le petit bonus : Ian Chang de Son Lux est venu jouer de la batterie sur Two Dogs Tethered Inside. Complicité évidente, proximité dans les univers de ces artistes. En témoigne le rework qu’Emily a fait de Come recover de Son Lux :

Et pour vous donner une idée du live :

Univers foisonnant

On ne connaissait pas Emily Wells avant cet album. On s’est donc penché sur sa discographie passée. Et là, on découvre des tonnes de choses. Elle a appris le violon dès l’âge de 4 ans et a commencé à enregistrer des disques en 1999 à l’âge de 18 ans. Emily va alors enchaîner 5 albums auto-produits jusqu’en 2006 dans un style indie folk. Elle déclare d’ailleurs qu’elle a travaillé très tôt, très dur, faisant preuve de persévérance comme si c’était son métier pendant des années avant de gagner le moindre argent.

Son premier véritable album édité en 2008 est The Symphonies: Dreams Memories & Parties. Changement de style : des instrus orchestrales avec beaucoup de cordes et son chant qui se tourne parfois vers le rap.

Toujours dans ce style, en 2012, elle sort l’album Mama et en 2013 elle écrit la chanson Becomes the Color pour le film Stoker du Coréen Park Chan-Wook.

Exemple en session live, juste excellent :

Suivront deux albums : Promise (2016) ; This world is to _______ for you (2019) suivi de sa réinterprétation plus minimaliste : In the dark moving (2020). Principe qu’elle avait déjà expérimenté en enregistrant une version acoustique de son album Mama. Sans compter les singles, EP …

Le style, le chant notamment, évoluent. Et on ne saurait trop vous conseiller une plongée discographique approfondie tant il y a de belles choses à découvrir.

Pour suivre Emily Wells : BandcampSite web officiel – FB

Photo de couverture : Agnès Lortho, Boston

Jérome Pifunk
Chroniqueur : Sunday Morning, Playlists du lundi, et Le Sac à Samples ! Mon petit kif, vous préparer des thèmes pour les Soundclashs sur notre page Facebook tous les mercredis à 11h !
Co-animateur radio sur Raje (et j’adore faire des conducteurs d’émission sur Excel !)

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